Photo Nnoman Cadoret
Le 17 juillet 2020 par Guillaume Quintin
En effet, commençons par faire un point sur « l’affaire », ou plutôt « les affaires ». Qu’est il reproché au juste au citoyen Darmanin ? Il lui est reproché d’avoir, dans deux affaires distinctes, offert d’intervenir politiquement pour favoriser les intérêts de citoyennes qui l’ont sollicité pour cela : l’une pour obtenir un logement à Tourcoing dont il était maire, et l’autre pour obtenir son appui auprès de la chancellerie (en 2009) afin de faire annuler une condamnation dans un dossier contre son ex‐compagnon. Dans les deux cas, le sus nommé Darmanin aurait échangé la promesse de son intervention contre des relations sexuelles. En clair il aurait eu avec ces dames des relations sexuelles contre une promesse de trafic d’influence. L’une a déposé plainte pour abus de faiblesse, l’autre pour viol. La procédure pour abus de faiblesse a été classée sans suite par le parquet de Paris en 2018, celle pour viol également. Le mardi 9 juin dernier, la reprise de l’enquête sur les accusations de viol, harcèlement sexuel et abus de confiance portées contre le ministre par la plaignante, est ordonnée par la Cour d’Appel de Paris.
Il faut comprendre que les deux affaires ont initialement fait l’objet de classement sans suite par le Parquet, et en 2018. Or, en 2018, Gérald Darmanin est ministre de l’Action et des Comptes publics dans le gouvernement d’Édouard Philippe depuis le 17 juin 2017, Nicolle Belloubet étant Garde des Sceaux, Ministre de la Justice du même gouvernement. On sait, ça nous est suffisamment reproché, que le Parquet n’est absolument pas indépendant du pouvoir exécutif, de là à imaginer que le citoyen Darmanin a bénéficié d’intervention active ou passive dans ses dossiers, il n’y a qu’un pas que je franchis allègrement.
Or, nous voilà le 3 juillet 2020, Edouard Philippe remet à Jupiter la démission de son gouvernement et s’en va pêcher le hareng au large, et creuser l’endettement du Havre où il vient d’être ré‐élu maire. Le 6 juillet, est nommé Jean Castex au poste de premier ministre qui publie au J.O. la formation de son gouvernement le 7. Dans son gouvernement fraichement promu, Jean Hibernatus Castex a nommé, à l’Intérieur, premier flic de France… qui ? Bingo ! Darmanin, himself ! Avouez que moins d’un mois après la réouverture d’une enquête pour viol, c’est tout de même fort de café ! Non content, Castex nomme également à la Justice le « tonitruand » Dupond‐Moretti, aka Acquitator, la terreur des prétoires, lequel s’était fait remarquer à l’occasion du procès de l’homme Tron Georges par quelques déclarations où le misogyne le disputait au sexiste, et qui, déjà à l’époque, avaient scandalisé.
Le tandem Darmanin‐Dupond se voit illico pris d’assaut par tout ce que la France compte de féministes au cris de « Darmanin Violeur, Moretti Complice », et l’on voit immédiatement se soulever partout en France d’énormes manifs pour dénoncer ces deux nominations.
A l’issue de ces manifs, on a entendu se lever tout un tas de gens pour soutenir le citoyen Darmanin… Certain•e•s ont même co‐signé une tribune pour appeler à la présomption d’innocence qui doit bénéficier à tout citoyen mis en cause par la justice et dans un gloubiboulga insensé nous rappellent (à propos d’Acquitator) que tout individu a le droit d’être défendu, et dans de grands élans lyriques que « seule l’institution judiciaire peut dire qui est coupable ou non, et c’est un garde‐fou contre l’arbitraire ». Fermez le ban! Pas fauché•e•s, les Marcheur•e•s …
Lors de son discours du 14 juillet (celui qu’il avait promis d’abolir) Jupiter nous a rappelé que Darmanin avait toute sa confiance et qu’il lui en avait donné le témoignage dans « une discussion… d’homme à homme » ! Il n’en fallait pas plus pour remettre un franc dans la machine !
Bref ! On voit là comment tout se mélange, tout se bouscule et finalement comment tout se dilue et s’emmêle dans un fatras inconsistant mais indigeste… Il convient donc de s’arrêter un moment et se poser la question : « Pourquoi la nomination de Gérald Darmanin au poste de Ministre de l’intérieur est une faute ? » Et pourquoi, si on ne comprend pas cela, on ne comprend rien à la République? Enfin, comment se fait‐il que seules les féministes se soient emparées de ce sujet ? Car tout de même, à la minute même de l’annonce de sa nomination à Beauvau, nous eussions toutes et tous du être dehors avec piques, fourches, pancartes et… toute cette sorte de choses !
Tout d’abord à propos de cette présomption d’innocence dont les moutons En Marche nous bassinent les oreilles, soyons clairs : Personne ne la remet en question ! Et pour cause, ça n’est pas le sujet ! Personne ne remet en cause le fait que dans l’instruction qui est en cours, le citoyen Darmanin bénéficie, comme a priori tout justiciable, d’être traité comme un innocent du crime dont on l’accuse et qui fait que le dossier doit être instruit aussi bien à décharge, qu’à charge, et que tant qu’aucun juge ne l’a condamné, il est juridiquement innocent. Juridiquement ! C’est cela, et seulement cela la présomption d’innocence ! Pas une cape d’invisibilité, ni un filtre de virginité, un truc magique qui d’un seul coup d’un seul ferait que vous n’avez pas fait ce que vous avez fait. Même un assassin pris en flagrant délit, le poignard dans le coeur de sa victime, est « présumé innocent », tant qu’un jury d’assises n’a pas dit qu’il est coupable.
On cherche donc à nous embrouiller et, quoiqu’habile, la manœuvre est assez grossière. En effet, Darmanin a tout bonnement reconnu les faits qu’on lui reproche. Ce qu’on lui reproche, c’est d’avoir profité de sa situation de mâle de pouvoir pour profiter des faveurs sexuelles d’une femme. On lui reproche d’avoir troqué son appui dans une affaire contre rapport(s) sexuel(s). On lui reproche d’avoir obtenu dans une transaction ce qui relève normalement du consentement spontané, réciproque, et libre de tout autre engagement, entre deux adultes. Autrement dit on lui reproche d’avoir eu commerce physique avec une personne qui, s’il n’y avait eu promesse de contrepartie, n’aurait sans doute jamais donné suite à ses avances. C’est donc sans le libre consentement, on peut même imaginer contre la volonté, de cette femme que cela s’est passé. Elle dit d’ailleurs elle même dans ses dépositions qu’elle a vite senti « qu’elle allait devoir passer à la casserole ».
Et c’est là que le bât blesse ! En effet, à quel moment un homme politique, permanent d’un parti à l’époque des faits, pense qu’il est légitime de faire commerce de ses relations pour obtenir ce qu’il n’aurait par ailleurs jamais ? Quand bien même celle qui lui accorderait ses faveurs serait consentante, cela n’est il pas simplement scandaleux ? Comment peut‐on imaginer maintenir en poste ou nommer ministre un homme qui a, contre toute morale, toute éthique, échangé un potentiel trafic d’influence contre une pipe ? Bordel ! Et alors le summum, c’est de lui donner le poste de 1er flic de France ! A quel moment, Jupiter a‑t‐il pu considérer que cela allait passer crème ? Il faut être salement pervers ou complètement liquide moralement pour croire que personne n’y trouverait à redire !
Darmanin n’a pas été nommé à n’importe quel poste. Il a été nommé à Beauvau, au ministère de l’Intérieur. Le site du ministère nous dit : « Depuis deux siècles, le ministère de l’Intérieur est au cœur de l’administration française: il assure sur tout le territoire le maintien et la cohésion des institutions du pays.
Son organisation, ses moyens humains et matériels constituent l’outil privilégié de l’État pour garantir aux citoyens l’exercice des droits, devoirs et libertés réaffirmés par la Constitution de la Ve République. Ses cinq missions essentielles s’articulent aujourd’hui autour de deux grands pôles.
• Administrer le territoire :
Assurer la représentation et la permanence de l’Etat sur l’ensemble du territoire national. Garantir l’intégrité des institutions publiques. Veiller au respect des libertés locales et des compétences des collectivités territoriales dans le cadre de la décentralisation.
• Garantir la sécurité des citoyens et des biens :
Élaborer et faire respecter les règles garantissant aux citoyens l’exercice des libertés publiques, notamment par le suffrage universel. Protéger la population contre les risques ou fléaux de toute nature et contre les conséquences d’un conflit éventuel.
A quel moment, un type qui est capable d’obliger une femme, sinon par la force physique, à tout le moins par la pression psychologique, d’avoir avec lui des rapports sexuels est‐il en mesure d’assurer le maintien et la cohésion des institutions ? A quel moment ce type est‐il en mesure de garantir aux citoyens l’exercice des droits, devoirs et libertés réaffirmés par la Constitution ? A quel moment ce type est il en mesure d’assurer la représentation et la permanence de l’État ? De garantir l’intégrité des institutions publiques ? De garantir la sécurité des citoyens et des biens ? La SÉ‐CU‐RI‐TÉ des citoyen•ne•s ? A quel moment ?
J’aimerais que ses défenseur•e•s répondent à ces questions ! Et qu’on ne me chante pas que « ça n’est pas incompatible » ! Bien sûr que ça l’est ! Un mec qui n’a pas deux sous de morale, de respect de soi ni d’autrui pour se livrer à ça, ne peut pas assurer les missions qui sont les siennes comme ministre de la République. Point !
Parce que la République est un bloc, parce que celles et ceux qui le portent ce bloc doivent être d’une étique irréprochable et d’une moralité en acier massif, Emmanuel Macron a commis une erreur grave en nommant Darmanin ministre, qui plus est de l’Intérieur. C’est plus qu’une erreur même, c’est une faute. Une faute politique et une faute morale. Il a beau faire monter Castex au créneau s’égosiller pour dénoncer des « dérives inadmissibles » et secouer le tapis pour faire de la poussière, il n’en reste pas moins que cette nomination est effectivement une gifle à toutes les femmes victimes de viol, le signe insupportable d’une caste qui s’est accaparé le pays et ses institutions et se comporte, avec le plus grand des mépris pour le commun de ses citoyen•e•s, comme si rien ne pouvait les atteindre. Ils se foutent de la République, ils se foutent de la démocratie, et, plus que leurs lois contre les travailleurs•ses, contre les chômeurs•ses, contre les retraité•e•s, contre les malades, contre les soignant•e•s, bref leurs lois contre le Peuple sur lesquelles nous pourrons toujours revenir quand ça sera notre tour, ce qui devrait nous mettre toutes et tous dans la rue c’est cette morgue, ce cynisme, ce mépris qu’ils ont pour nous et la République dont ils sont pourtant si prompts à se remplir la bouche pour nous la vomir dessus comme si nous n’en étions pas dignes alors que nous en sommes bien plus dignes qu’eux qui tous les jours… la violent.